mardi 8 mai 2007
La banlieue n'a pas d'humour

Les banlieues de la région parisienne accusaient le coup lundi après l'élection de Nicolas Sarkozy.

"C'est le choc. Un choc attendu, mais les gens ne voulaient pas y croire. Il n'y a jamais eu autant de mobilisation pour participer au vote dans les banlieues. Les gens sont déçus", selon Mohammed Chirani, du collectif "Votez banlieues!". Cette organisation avait été créée après les émeutes qui avaient secoué les banlieues à l'automne 2005 pour inciter les jeunes à exprimer leur mécontentement dans les urnes.
Il ne s'agissait pas tant de voter "pour la candidate socialiste Ségolène Royal, mais contre Sarkozy", a souligné M. Chirani, issu d'une famille immigrée de la Grande Borne, une gigantesque cité au sud de Paris.


Les banlieues ont voté en masse pour la socialiste Ségolène Royal.

A Trappes, ville du sud-ouest de Paris où se côtoient 70 nationalités et qui a voté à 70% pour la socialiste, les habitants affichaient la même déception. "Pour une fois qu'on s'impliquait dans la vie politique, on a encore l'impression de compter pour rien", a dit Mohammed, un étudiant.

Lundi matin, la direction de la police nationale a officiellement recensé 367 voitures incendiées, dont plus de 170 en région parisienne, et 270 interpellations. Un chiffre relativisé par la police, dans un pays qui enregistre de 70 à 100 véhicules brûlés par jour en moyenne.

Un autre collectif "AC le Feu", avait appelé dimanche les banlieues à ne pas "répondre par la violence" à la victoire de Nicolas Sarkozy.
Mais, a souligné Mohammed Chirani, "il va falloir s'attaquer vite" aux problèmes qui minent la banlieue, notamment au chômage, qui frappe parfois 40% des jeunes dans certaines cités.
"M. Sarkozy a fait campagne en dénigrant ouvertement les populations immigrées, et finalement il a dit qu'il voulait lancer un plan Marshall pour les banlieues. J'espère qu'il est sincère, parce que s'il en reste au tout sécuritaire, alors ça ne va pas aller, ça va être pire qu'en 2005", dit-il.
Les voitures brûlées, les poubelles incendiées, "ça va sûrement continuer si les flics changent pas de ton avec nous", expliquait Rodrigue Cancan, un Guadeloupéen de 22 ans à Trappes.

D'autres associations impliquées dans la défense des droits des immigrés faisaient part lundi de leur préoccupation.
Le Réseau Education sans Frontières, qui se bat pour la régularisation des parents sans-papiers d'enfants scolarisés en France, indiquait craindre des "expulsions massives". Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) se disait "extrêmement inquiet", alors que d'autres, comme France Terre d'Asile, regrettaient que "sur le dossier de l'immigration, la gauche classique (ait) été absente".

PARIS (AFP